Les modèles dans les bassins d'essais de carènes

Des bassins existent dans tous les pays ayant de grands chantiers navals et/ou des centres de recherche navale. On compte environ 35 bassins d'essais dans le monde ce qui souligne l'importance de leur travail.

Dès la fin du XIX e siècle, aux Etats Unis, l'Amiral D. W. Taylor crée un bassin d'essais de carènes afin de tester les premiers modèles de navires militaires. D'autres pays suivent cette démarche.

En Europe, le premier bassin voit le jour en Allemagne en 1901 à Berlin, puis d'autres sont construits à Potsdam, Hambourg et Duisburg. En France, le premier bassin est construit en 1906 à Paris; il est transféré en 1992 à Val-de-Reuil, près de Rouen. Là il suit sa mission de travail et recherche mais exclusivement militaire. Il en existe un autre à Nantes. Et en Hollande, depuis plusieurs années, le bassin d'essais de l'université de Delft s'est spécialisé dans les essais de carènes de voiliers de course.

Aujourd'hui, c'est le « David Taylor Model Basin » (aux US), qui est le plus grand bassin d'essais mondial. Il ne sert pratiquement qu'aux travaux secrets de la marine.

Vu que le bassin d'essais de Val-de-Reuil n'est pas ouvert au public nous prenons l'exemple du bassin d'essais de Duisburg.

Photo d'une carène.

A/ Le bassin de Duisburg :

 

Bassin d'essais de Duisburg

Il est possible de faire varier la hauteur du niveau d'eau et un système mécanique peut produire des vagues (3). Cela permet de tester les bateaux sous différentes conditions, soit en eau calme, soit sur houle simulée. Deux types de tests peuvent être réalisés :

- dans le grand bassin (1) avec un mouvement rectiligne (photo de droite),

- dans le bassin circulaire pour des manœuvres (7).

Les modèles sont non seulement testés mais aussi construits dans les bassins d'essais.

 

B/ Le modèle : sa construction

Un modèle est une réplique à échelle réduite du bateau commandé par l'armateur. Les modèles de bateaux sont fabriqués en paraffine ou en bois. Ce bois est l'abachi, originaire des côtes du Golfe de Guinée. C'est un bois exotique à gros vaisseaux, sans nœuds et facile à travailler. Paraffine et bois sont les deux matériaux les plus rapides et les plus économiques à utiliser. Toutefois, le prix pour la réalisation d'un modèle en bois de 6m est compris entre 10 000 et 15 000 €.

Les centres d'essais de carènes utilisent différentes méthodes pour le design et la réalisation du bateau modèle :

•  rarement la technique CNC (Computer Numerical Control), une méthode qui coûte cher à installer et qui n'est rentable qu'avec une utilisation fréquente,

•  une semi-automatisée (voir photos).

Le « plan de creusement », le plus souvent à l'échelle 1/10, est tracé et fixé sur le tableau d'une fraise sous le bras du « lecteur » (voir photo de gauche). Un bloc de poutres collées, est monté sur le banc de travail de la fraise. Selon le plan de creusement, la fraise creuse le bloc pour former l'intérieur du modèle (voir photo de droite, mais sans bloc lors de la visite). Ensuite l'extérieur du bateau est travaillé, le gros-œuvre avec une machine, la finition à la main. Le modèle est verni et équipé d'un ou deux appareil(s) de mesure de résistance (voir photos a et b). A l'issue de ce travail on obtient un modèle « nu » : l'extérieur ne présente aucun émergement.

Le modèle est alors prêt pour les essais.

C/ Les essais

L'expérimentation est divisée en deux phases :

Stock d'hélices pour les modèles (Duisburg)

L'expérimentation est divisée en deux phases  :

- La première avec un bateau « nu » pour mesurer la résistance totale à l'avancement du modèle et étudier le comportement du bateau.

- La deuxième phase prend en compte le fait que le bateau réel est « équipé » (sous la ligne d'eau) de différents émergements. Les plus connus sont l'hélice, la quille, les stabilisateurs, les « sorties des sonars », la dérive, le safran. Les éléments extérieurs sont indispensables pour le bon fonctionnement et la sécurité d'un navire, certains sont obligatoires. Chaque élément a son importance pour optimiser un comportement sécurisé. Il faut donc aussi effectuer des essais avec ces appendices.

Le modèle fixé sous le pont comme sur la photo a est prêt pour les essais.

Prendrons un exemple d'essaie : la mesure de la résistance à l'avancement d'un modèle « nu ».

La vitesse maximale du pont est de 15m/s utilisée en priorité pour les petits modèles. Un grand modèle est tiré a une vitesse de 6m/s . Pour obtenir une vitesse de 15m/s , le pont doit avoir une accélération comprise entre 1000 et 2000 km/h (donnée du bassin de Duisburg) pour arriver rapidement à la vitesse d'essai et pouvoir garder un maximum de longueur de bassin réservée au mesures d'essais. La vitesse est constante pour chaque essai.

a. Un modèle tracté dans le bassin

b. Barres avec extensomètres

On peut voir sur la photo (a) de profil, le système de mesure de la résistance à l'avancement du modèle.

Un bras de mesure  (ou parfois deux, voir photo b. ) est fixé à une extrémité au pont tracteur et à l'autre extrémité au fond du modèle. Quatre capteurs sont collés sur ce bras. Ils sont réalisés par des jauges de contrainte (extensomètres) qui sont constituées d'un fil très fin collé sur un support mince. Le fil est aligné selon la direction dans laquelle on souhaite mesurer la déformation. Ce fil subit les mêmes déformations que la surface sur laquelle la jauge est collée. En conséquence ce fil s'allonge ou se contracte ce qui engendre une variation de la résistance électrique.

La déformation du bras est due à la résistance du bateau à l'avancement. C'est donc cette résistance à l'avancement qui est mesurée.

C'est à partir de cette résistance totale à l'avancement du modèle qu'on calcule la résistance totale à l'avancement du bateau réel. La connaissance de la résistance totale à l'avancement est essentielle pour permettre à l'architecte naval de définir correctement l'ensemble de l'appareil propulsif d'un futur bateau et les performances optimales qui en découleront.

La démarche en bassin d'essais pour établir la valeur de la résistance totale à l'avancement du bateau réel est une combinaison des résultats des tests et de l'application de formules, établies dès le XIX e siècle par les scientifiques Froude et Reynolds et complétées de nos jours par des coefficients donnés par l'ITTC (International Towing Tank Conference).

Nous prendrons un exemple précis pour comprendre les étapes qui mènent au réel à partir de l'outil modèle. Il faut savoir qu'aucune formule permet de passer directement de la résistance totale mesurée pour le modèle à la résistance totale du réel.

Plan
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